Leurs mains ont

la parole

Depuis trois ans, les étudiants d’Excelia ont mis un pied dans l’univers  de la langue des signes. Les résultats sont probants

C’est dans une petite salle intimiste au fond d’un couloir que tous les mercredis après-midi, la vingtaine d’étudiants en Bachelor in Tourism and Hospitality s’immergent dans le monde de la langue des signes. Trois heures pour s’approprier un langage, une histoire, des codes et se reconnecter avec leur propre corps, un outil fondamental en langue des signes. Installés dans le petit amphithéâtre, la nonchalance des étudiants aux visages juvéniles s’efface vite au profit de l’attention. Éloquente et dynamique, la formatrice Juliette Ploquin les embarque dans un exposé qui survole rapidement l’histoire de cette langue des sourds, le récit d’une communauté bien souvent laissée pour compte. 


Une langue malmenée C’est au XVIe siècle que la notion de communication pour les sourds prend tout son sens. Pedro Ponce de Léon, un moine bénédictin espagnol, s’intéresse alors aux codes gestuels. C’est ensuite au XVIIIe siècle que l’abbé de l’Épée, précurseur de l’enseignement dispensé aux sourds, ouvre l’Institut national des jeunes sourds. Aujourd’hui, il est érigé comme une figure emblématique de la langue des signes. Et puis en 1880, le Congrès de Milan instaure l’arrêt du langage des sourds. L’annonce fait l’effet d’un véritable couperet. Il faudra attendre les années 80 pour assister au Réveil sourd grâce au linguiste William Stokoe. « Ce n’est que le 11 février 2005 que la langue des signes est reconnue comme une langue à part entière. Avant cette date, on parlait de langage. En 2008, on crée le Capes (certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré) de langue des signes française (LSF) », insiste Juliette Ploquin. Expression corporelle Le décor est planté. Les esprits un peu englués dans l’enchaînement des slides du power point émergent doucement, parfois sidérés par la violence qui émaille l’histoire de la LSF. « Mais on leur attachait les mains pour ne plus qu’ils communiquent en signes ? C’est horrible », lance une élève au premier rang. Pas le temps de s’apitoyer, il est temps de pratiquer car c’est tout là l’intérêt de ce cours. « L’objectif, c’est de leur donner des bases de la langue des signes française pour qu’ils se débrouillent dans leur futur métier », indique la formatrice. Ouverte sur les métiers du tourisme, cette filière exige de pouvoir s’adapter à tous types de publics.  


« Le contact client, c’est la base de notre futur métier », susurre Étienne, en première année avant d’être appelé par la professeure.  « Vous allez mimer les expressions que je vais vous donner. Apprenez à vous servir de votre corps comme un outil de communication. La LSF, ce n’est pas uniquement des signes, il vous faut maîtriser l’expression corporelle », soulève Juliette Ploquin tout en signant. Pas facile de se lancer mais les étudiants acquièrent de plus en plus d’aisance, sans gêne, ni honte. Peu à peu, ils ouvrent leur esprit et rentrent dans le monde des sourds. « Jamais vous ne verrez un sourd figé », tente de transmettre la professeure, plus que jamais passionnée. « Monter à cheval », « sauter à la corde », « il pleut »… chaque élève défile devant Juliette qui les motive et les pousse à réveiller leur potentiel corporel. Pour avancer dans l’univers de la LSF les élèves doivent faire de leur corps leur meilleur allié. « L’expression du visage joue sur la compréhension globale », insiste Juliette Ploquin. Ils étudient alors les méandres de la communication non-verbale pour être fin prêts pour leur examen final dans quelques semaines.

Julia Tourneur

sud ouestSud Ouest parution le Samedi 6 Avril 2019

 

 

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