Apprendre en pédalant : Genèse de l'itinérance
Trois jours, 130 km à vélo pour explorer d'autres manières de voir le tourisme en région Centre-Val de Loire.
Apprendre en pédalant ? Je l'ai fait ! Je m’appelle Charlotte Rotureau et après un début de carrière dans l’événementiel sportif à l’international, j’ai vécu une transformation profonde de ma manière de voir et d’être avec le monde. Ceci a été possible entre autre par le fait de partir en itinérance pendant 3 mois pour vivre :
1/ aux antipodes de ma vie d’avant à savoir, en vélo, alors que je prenais l’avion toutes les semaines
2/ à mon propre rythme, alors que je vivais au rythme de 8 événements par an
3/ sans contrainte, alors qu’avant j’avais une to do list comme compagnon de vie
Le deuxième élément qui m’a permis cette transformation, c’est l’apprentissage par moi-même en lisant et échangeant avec d’autres personnes ainsi qu’en reprenant une formation pour penser l’après-tourisme, c’est-à-dire la fin d’un modèle qui ne fait plus sens face aux défis auxquels notre société doit faire face (enjeux écologiques sociaux, sanitaires, climatiques, géopolitiques, énergétiques etc.).
En créant mon activité en mai 2020, pour accompagner des organisations sportives, culturelles et touristiques à faire face aux défis de notre temps, j’avais aussi envie de donner des cours pour transmettre et imaginer avec des étudiants à quoi pourraient bien ressembler ces 3 secteurs dans 10-15 ans.
C’est avec cette volonté que j’ai proposé à l’équipe pédagogique de d'Excelia Tourism School d’emmener des étudiants vivre une itinérance de 4 jours à vélo pour expérimenter ce qu’on appelle le « slow tourisme » en liant 3 éléments fondamentaux pour moi à savoir :
- Le coeur : en se connectant à ses émotions, à ce qui nous fait vibrer (ou pas) et en vivant avec 20 personnes pendant 4 jours;
- L’esprit : en découvrant des projets qui prennent en compte les enjeux écologiques et sociaux, en rencontrant les gens qui proposent d’autres manières de voir le tourisme;
- Le corps : en étant son propre moteur pour se déplacer et en découvrant ses capacités physiques.
Grâce au soutien de Marie-Noëlle Rimaud, Marie Connac, Pascal Capellari et toute l’équipe pédagogique, ce projet a pu voir le jour en juin 2022 avec un groupe de 20 étudiants internationaux en 2ème année du Bachelor Management du Tourisme et de l’Hôtellerie.
Organisation de l’itinérance
Pour comprendre ce qu’est le cyclotourisme, le slow tourism et toutes ces autres manières de voyager différemment, il n’y a pas 36 solutions, il faut le VIVRE dans son corps, dans ses tripes !
Le vivre ça veut dire :
- rouler plusieurs dizaines de kilomètres par jour (quasiment 130 km sur 4 jours),
- parler avec des personnes qui font un pas de côté et expérimentent d’autres manières de faire,
- s’organiser pour vivre en collectivité pendant 4 jours dans des conditions parfois inconfortables (la pluie, le vent, le manque de sommeil, la fatigue etc.).
En avril 2022, quand j’ai rencontré les étudiants pour la première fois et que je leur ai parlé de cette itinérance, je dois vous avouer que je n’en menais pas large, surtout quand, sur leurs visages, je pouvais lire leurs peurs et leurs craintes. Au fond de moi, j‘étais intimement convaincue que vivre à vélo pendant 4 jours était la meilleure manière de sortir des préjugés comme « je n’y arriverai jamais », « on va s’embêter à vélo », « je ne suis pas intéressé par ces sujets ».
Pour construire cette itinérance, j’avais dès le début indiqué ma volonté de la co-construire avec les étudiants, c’est-à-dire de leur permettre d’être acteurs de ce voyage apprenant. Leur donner un rôle était aussi l’occasion pour eux d’appréhender les contraintes de ce type de voyage et de prendre la mesure de ce que nous allions vivre.
Nous n’avions que deux mois pour monter cette expédition, il m’a donc fallu commencer seule la préparation en définissant l’itinéraire pour repérer les hébergements et une partie des personnes à rencontrer.
Nous avons eu 9 heures de cours en présentiel et à distance pour préparer cette itinérance, et je dois le redire la motivation du groupe n’était pas très forte, seuls 3-4 étudiants se sont montrés très impliqués, et heureusement.
Lors de la première séance de cours, j’ai présenté le projet, l’itinéraire et l’état d’avancement des démarches que j’avais initiées. On a listé ensemble les besoins à couvrir pour mener à bien cette aventure. De cet atelier, 4 groupes d’actions sont nés :
- Coordination générale;
- Logistique vélo;
- Hébergements et restauration;
- Communication et visite.
Au fur et à mesure des séances, l’engouement s’est petit à petit développé, les étudiants se sont emparés des thématiques et ont contribué à la réalisation du séjour. Après plusieurs semaines de préparation, on s’est retrouvé mardi 7 juin 2022 pour vivre 4 jours sur les Bords de Loire avec comme itinéraire Blois - Chambord - Amboise et Tours. Un périple incroyable autant pour eux que pour moi…
Retour d’expériences
Je vous propose un retour sur les apprentissages de ce projet un peu hors norme.
Ingrédients clés de cette démarche
La co-construction : certes ce n’était pas évident avec seulement 2 mois de préparation et un niveau de motivation fluctuant, mais ça a permis aux étudiants qui se sont investis de prendre la mesure de l’organisation d’un tel séjour. Ils ont également tissé des liens avec des partenaires/prestataires et ont dû travailler en équipe pour mener à bien leurs missions. C’est aussi une manière de les rendre co-responsables de la bonne organisation du séjour et donc, leur donner un rôle autre que consommateur d’une sortie pédagogique.
La préparation en amont : il m’a fallu quelques heures de travail pour poser l’itinéraire, identifier les lieux de passage, contacter les intervenants sur la route. Ce travail est essentiel et nécessaire pour faire de cette itinérance un temps apprenant, notamment via la rencontre de professionnels du secteur touristique.
Le choix d’un territoire accessible : commencer par la Loire à Vélo c’est un choix symbolique avec les campus de Tours et d’Orléans, mais c’est aussi pour des raisons pratiques. Le cyclotourisme étant très développé, le territoire bénéficie d’infrastructures de très bonne qualité, les prestataires sont nombreux et habitués à travailler avec des groupes de cyclistes. La possibilité de trouver une gare tous les 15 km est également un élément rassurant en cas de coup dur, on peut toujours retourner dans une grande ville rapidement.
La puissance de l’expérience par les mollets : je crois que c’est l’enseignement le plus fort pour les étudiants et moi-même, c’est l’expérimentation par le faire. De nombreux étudiants ont vécu une expérience hors de toute zone connue et la connexion au moteur physique a été un excellent moyen pour eux de découvrir des capacités insoupçonnées. Traverser un paysage à vélo c’est également accepter le temps long, le vide, la difficulté, des choses auxquelles ils ne sont pas forcément habitués.
Un projet collectif : Que ce soit lors de la préparation ou durant l’itinérance je n’ai jamais été seule. En amont, toute l’équipe pédagogique était là pour m’épauler, une aide très précieuse (merci Marie, Marie-Noëlle, Victoria, Audrey, Armelle et Frédérique). J’ai également eu le soutien d’Alexandra Baud pour la partie pédagogique et Guillaume de St Louvent pour son retour d’expériences sur les randonnées pédagogiques. Ces apports m’ont permis de construire un parcours pédagogique adapté au contexte de cette première itinérance.
Durant les 4 jours à vélo, deux super encadrants se sont relayés pour m’aider à encadrer le groupe. Maxime Trève community manager pour Excelia qui a (entre autre) joué le rôle de reporter photos et vidéos et puis, sur la deuxième partie Sébastien Osorio, ancien étudiant en tourisme, fondateur de First Step, nous a apporté son enthousiasme.
Je tenais à remercier tous les contributeurs de ce projet, sans eux rien n’aurait été possible !
Les points d’amélioration
Comme toute première, cette itinérance a eu des loupés, je vous partage les points d’amélioration pour la suite.
La contextualisation : en amont de l’itinérance, j’ai sous-estimé le temps de cours, ce qui ne m’a pas permis de donner assez de contenu théorique aux étudiants. Ils sont partis sur cette itinérance sans connaissance des enjeux du tourisme à vélo ce qui a fait défaut lors de certaines rencontres avec les professionnels. Pour la prochaine édition de l’itinérance, qui se déroulera en juin 2023, il est d’ores et déjà prévu d’avoir plus d’heures de cours, pour permettre aux étudiants de mieux comprendre ce pan du tourisme qui ne fait que s’accroître.
L’entraînement à vélo : j’avais surestimé la capacité physique des étudiants en me disant qu’ils étaient dans la force de l’âge et que 150 km ça allait se faire sans encombre. Quelques jours avant le départ, j’ai décidé avec l’accord de l’équipe pédagogique de réduire le nombre de kilomètres car peu d’étudiants pratiquaient le vélo régulièrement. Une sortie à vélo collective aurait été une étape nécessaire dans la préparation, pour permettre aux étudiants de se préparer physiquement ou du moins de se rendre compte de l’effort qu’ils allaient devoir fournir. Initialement, il ne devait pas y avoir de vélos à assistance électrique, mais à la fin du 1er jour deux étudiantes étaient en difficulté, on a fait le choix collectivement (avec les étudiants) d’intervertir deux vélos pour permettre à ces deux jeunes femmes de rester dans le peloton.
Vivement juin 2023 !